primavera 2002 :: Sedes Sapientiae, di Fr. Louis-Marie de Blignières
L’écrivain italien, que son entretien avec le pape a rendu célèbre, est un chercheur de vérité. Ce chercheur obstiné est aussi un journaliste, un homme de communication. A ce titre, il nous livre par écrit, dans une langue claire et un style vivant, les bornes-témoins de sa quête. Deux livres remarquables, accessibles au public francophone, manifestaient déjà son souci de la crédibilité du message chrétien. Pour montrer les harmoniques entre la foi et la raison, Hypothèses sur Jésus et Il a souffert sous Ponce Pilate étaient centrés sur l’historicité des évangiles et spécialement des récits de la Passion. Avec La Vérité a un nom et un visage, Messori, en compagnie de son ami historien et journaliste Michele Brambilla, élargit son horizon apologétique.
Sous la forme heureuse d’un dialogue, très libre et qui garde toute la fraîcheur et l’imprévu de la conversation, les deux compères ont voulu « établir un bilan des motifs qui conduisent à accepter la vérité des Evangiles », à destination des croyants modernes souvent incertains ; et se « tourner vers ceux qui ne réussissent pas à comprendre comment un homme doué de raison peut; encore croire aujourd’hui » (p. 11). Pour ce faire, ils ambitionnent de suivre « les trois étapes de l’apologétique classique : Dieu (demonstratio religiosd), le Christ (demonstratio christica), l’Eglise (demonstratio catholica) » (p. 14). En attendant d’autres ouvrages, le volume présent. regroupe les conversations concernant le discours sur Dieu.
Le principal reproche que l’on peut faire à la formule est l’envers de ses qualités. Le plan de ce premier livre ne correspond pas à une division rigoureuse du sujet, les enchaînements sont imprévisibles, certaines accentuations récurrentes – sans nuire pourtant à l’objectivité de l’ensemble – sont très marquées par la subjectivité et l’histoire personnelle de l’auteur. On pourra aussi relever – à vrai dire assez rarement – des assertions approximatives ou franchement discutables, comme « le mystique n’a plus besoin de croire » (p. 29) ou « Montaigne plus catholique que Pascal » (p. 82). Le point de vue d’ensemble est d’ailleurs très pascalien, avec le danger de pousser un peu loin 7a critique des capacités de la raison humaine.
Mais, dans l’ensemble, on Le peut qu’éprouver une très grande satisfaction de l’esprit et du coeur à suivre les deux causeurs dans les méandres et les rebondissements de leurs échanges. Tout d’abord parce que, comme chez les impressionnistes, le fouillis n’est que clans le détail : la synopse est saisissante ! On sent que les amis savent où ils vont, que leur démarche, infiniment respectueuse des nuances objectives et des délicatesses subjectives, est sous-tendue par une très solide culture religieuse et – ce qui est encore plus touchant parce que rare aujourd’hui – par une ardente soif de la vérité et une grande honnêteté intellectuelle.
Quel bonheur, alors que l’on subit journellement les tristes frayeurs des “théologiens” et des “médiatiques” qui se font peur avec “le retour des certitudes”, de sentir ces deux intelligences totalement décomplexées en face de la culture agnostique moderne, qu’ils connaissent bien puisqu’ils en viennent ! Quelle joie d’être bousculé par leur passion du vrai, de les voir si heureux d’être libérés par la Vérité ! Quelle communion intime on éprouve, dans la grande catholica, même si l’on vient de tout autres horizons, à les accompagner dans un itinéraire difficile, loin de tous les conformismes, mais au plus profond de ce qu’il y a d’universel dans l’homme ! Combien leur sens du “clair-obscur” des mystères de la foi met en relief l’infini respect de Dieu pour la liberté des hommes ! Quel contraste jaillit de leur certitude pleine d’amour, avec le doute haineux des nihilistes modernes !
Ce qu’il y a de plus précieux à notre sens dans leur démonstration, c’est qu’elle est constamment en situation par rapport aux difficultés qui parsèment aujourd’hui le chemin qui mène à Dieu. Six chapitres écartent les obstacles : priorité de la foi sur l’engagement, radicalisme de la question de la mort, nécessité du retour à l’admiration pour sentir le mystère, impasses d’une philosophie, d’une science ou d’une politique érigées en absolus, esprit catholique qui intègre toutes les vérités dans une unité supérieure (“et – et”, et non pas le “ou bien – ou bien” du choix hérétique), insuffisance existentielle d’une morale purement rationnelle. Ces chapitres nous amènent à l’idée positive qui domine le livre : « La vérité a un nom et un visage » ; c’est ce septième chapitre qui donne son titre à l’ouvrage. Puis trois chapitres substantiels : le huitième sur la stratégie fondamentale de Dieu : « assez de lumière pour croire et assez d’obscurité pour douter » ; le neuvième sur l’identité divine, la Trinité ; le dixième sur l’originalité profonde du christianisme : « Dieu est un père et même un Papa ».
Ensuite, le parcours affronte, éclairé par ce qui a été entrevu du visage de Dieu, quatre périls très actuels : le spiritualisme désincarné venu d’Orient, le scandale du mal en général, la foi athée des marxistes, les illusions du scientisme et de l’évolutionnisme. Le quinzième et dernier chapitre recherche, avec perspicacité et discrétion, les vestiges de Dieu dans l’harmonique de l’Univers. Ceci constitue une partie assez originale de l’ouvrage, baignée d’une aurore de poésie.
Pas un instant d’ennui au fil des 360 pages ! En refermant le livre, on souhaite que tous les éducateurs, les professeurs, les catéchistes, les pères de famille l’aient entre les mains et le recommandent à tous ceux qui se posent des questions, sur le sens de la vie. Et l’on a au coeur un sentiment de gratitude envers les auteurs et leur amitié qui nous vaut ce renouvellement intelligent de la belle démarche apologétique.
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